La fin des illusions

L’illusion la plus commune consiste à croire qu’une civilisation comme la nôtre pourrait se maintenir encore longtemps, voir s’amender, au prix de quelques innovations techniques et politiques. Par exemple, que de nouveaux bricolages scientifiques pourraient s’opposer aux effets désastreux du développement technique actuel (exploitation d’autres formes d’énergie, neutralisation des déchets chimiques et radioactifs, vaccins contre les nouvelles épidémies, etc.). Ou que des organisations politiques, résolument démocratiques, pourraient dès à présent se développer et résister aux diktats des mafias modernes (pouvoir « citoyen », avec ses multiples variantes, groupe de pression ou même parti politiques). Cette illusion est largement entretenue et encouragée par divers médias. Elle est reçue avec complaisance par des populations suggestibles et malléables qui s’y taillent en outre des images avantageuses de citoyens « responsables ».

Mais les gestionnaires actuels n’ont aucun intérêt à laisser modifier un système social, politique et technicien qui leur est grandement profitable. Ils disposent de tous les moyens médiatiques et policier pour s’opposer à de telles modifications. Ils contrôlent la diffusion des images et des représentations du monde à partir desquelles pourraient se concevoir des manœuvres destinées à en modifier le cours. Ils organisent ces représentations, les assemblent à leur convenance et falsifient ainsi les cartes d’état-major de ceux qui prétendaient faire obstacle à leurs entreprises. De cette façon – et aussi par des interventions plus directes – ils suscitent l’apparition de mouvement modérément ou violemment opposés à leurs décisions, capable de capter l’intérêt d’une frange inquiète de la population ; mais, égarée par leurs représentations falsifiées, ces entreprises ne conduisent qu’à l’échec de ceux qui les ont menées, et de ceux qu’ils ont entraînés avec eux.

La maîtrise des images permet plus banalement d’opposer à certaines observations sur l’état du monde actuel d’autres prétendues informations rendue vraisemblable par leur adéquation avec les représentations du monde telles qu’elles sont maintenant diffusée et reçues, et de neutraliser toutes les vérités inopportunes ainsi que les réaction inacceptables qu’elles pourraient entraîner.